Coup de gueule

Le misérabilisme « Combien de temps » encore ?

 

Avez-vous aperçu la nouvelle campagne de publicité lancée par la sécurité routière, intitulée « Combien de temps », qui inonde nos écrans depuis plusieurs semaines ?

Suis-je le seul à me sentir gêné par cette campagne qui met plusieurs personnes vraisemblablement victimes d’accidents de la route et en situation de handicap, durant leurs convalescences ou même après.

Derrière cette succession de portraits très noirs, une femme, d’un ton grave et ironique,  nous dévoile les slogans de cette sensibilisation avec notamment deux perles : « Continuer à croire que réparer les corps peut suffire à réparer une vie ! » Et juste derrière, « Continuez à croire que ceux qui survivent peuvent vivre comme avant. »

Le couperet tombe et la messe est dite, c’est le cas de le dire. Remballez il n’y a plus rien à voir, vous êtes condamnés à vivre cette vie morne d’handicapé et plus rien ne vous sera épargné à présent, il aurait peut être mieux valu la mort après tout !

 

Bien sûr qu’un accident de la route est terrible et que personne ne souhaite vivre cette expérience et se retrouver du jour au lendemain en situation de handicap ou même pire entre quatre planches. Mais ce slogan : « Continuer à croire que réparer les corps peut suffire à réparer une vie ! », m’interpelle fortement… Qui croit cela ?

Prenez par exemple un ami à vous, motard ou automobiliste (je ne veux pas me fâcher avec nos amis les deux roues), le plus véloce et foufou sur la route. Cherchez bien vous en trouverez surement un ! Parlez lui un jour, de préférence quand il est bien luné, de l’éventualité qu’un jour de par sa conduite il pourrait avoir un accident. Il vous répondra vraisemblablement : « Pas moi, je gère… » Ne vous découragez pas et poussez un peu plus loin votre raisonnement. Je suis persuadé que quelque part dans sa tête, il est conscient que les accidents de la route sont une réalité à éviter à tout prix, car au bout il y a soit la mort soit l’altération des fonctions physique à vie.

En revanche je n’ai jamais entendu qui que ce soit dire : « Tu sais mon petit, si un jour j’ai un accident, ce n’est pas sale… euh grave ! Les médecins s’occuperont de tout, j’ai une confiance aveugle avec la science ils me rendront ma vie. Regarde Robocop, il était flic avant et grâce à la science il est devenu super flic (vous noterez que vous remplacez Robocop par Sarkozy et science par politique, ça peut marcher mais ma phrase n’est plus du tout dans le contexte) ! » Si vous avez déjà entendu ce type de phrase de la part d’une de vos connaissances, je vous encourage fortement à la garder précieusement car elle vous fera, à coup sûr, gagner votre prochain diner de con.

Il faut arrêter de prendre les citoyens, automobiliste de surcroit, pour des être stupides et les infantiliser. Tout le monde connaît les résultats que peuvent engendrer les accidents de la route mais ce n’est pas pour autant que les vies des accidentés sont définitivement brisées.

 

Imaginez le message que vous faites passer aux victimes d’accidents de la route en leur disant : « Continuez à croire que ceux qui survivent peuvent vivre comme avant ! » Mais bien sûr qu’il faut absolument que les proches continuent à croire que l’accidenté va vivre comme avant malgré un handicap. Il est du devoir des proches de continuer à croire pour persuader la victime que la vie va reprendre son cours et qu’il lui reste encore plein de choses à vivre et à réaliser. Le père que l’on voit en fin de spot, va continuer à être le père de son garçon même si il est en fauteuil, cela ne changera pas forcément les relations qu’il entretient avec son entourage.

Alors oui, les accidents sont absolument à éviter ! Oui, être handicapé après un tel événement est dramatique mais c’est quand même mieux que la mort, non ?

Je suis aussi d’accord pour dire qu’il y a différentes étapes à passer avant d’arriver à l’acceptation de son nouvel état physique mais je ne suis absolument pas d’accord quand j’entends dire qu’il faut arrêter de croire. C’est en croyant que la vie va redevenir normale, même si il y a quelques adaptations à faire, que les accidentés avancent, qu’ils accomplissent plein d’exploits positifs. Le handicap ne marque pas la fin d’une vie, beaucoup d’aventures, de combats, de surprises, attendent les personnes dans cette situation.

Par pitié, les bien penseurs de la sécurité routière,  surtout arrêtez de nous faire croire avec ces images sinistres et cette musique angoissante que devenir handicapé, suite à un accident de la route, marque la fin de la vie. Je vous donne même une info, c’est mon coté généreux, il y a beaucoup de personnes qui naissent avec un handicap et bien, vous ne me croirez pas, mais elles ont des vies riches et elles sont épanouies…

C’est pourquoi je vous invite à lire Pratikable et l’Handispensable le Mag, qui nous prouvent qu’il existe de multiples vies trépidantes après un ou plusieurs handicaps.

 

 

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